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Voici un article sur Paul Genge: une inteview donnée par Elie Edme ( Systema syncrétique ).
Un stage avec Paul Genge sera probablement organisé les 9 et 10 Novembre 2013 à Limoges.
Je vous tiendrai informé à ce sujet.

 

 

Paul Genge and The Combat Lab

 

 

Paul Genge est un instructeur de Systema enseignant à Manchester. Il a étudié le Systema Vasiliev/Ryabko, le Systema Homoludens d’Alex Kostic ainsi que le Systema Kadochnikov auprès d’Alexander Maksimtsov en Ukraine. Paul a lancé sa propre école début 2012, le Combat Lab, reposant sur ses interprétations du Systema. Le Combat Lab, comme son nom l’indique, est un laboratoire évolutif qui propose une recherche guidée par l’aspect « scientifique » de la pratique martiale.

 

Il publie aujourd’hui de nombreux ouvrages et vidéos en rendant disponible au grand public des informations sur un Systema à la fois « originel » et innovant.  Bien qu’éloignée de mes propres recherches de par sa couleur martiale, je trouve l’approche de Paul très cohérente. Il est probable qu’il devienne l’une des références incontournables du Systema, tant par ses qualités de pédagogue que par son honnêteté méthodologique. Rencontre…

 

Peux-tu aborder ton parcours dans les arts martiaux et la pratique corporelle en général?

Depuis ma tendre enfance, j’ai été élevé en entendant mon père et mon oncle raconter leurs histoires de combat. Ils appartenaient à cette génération où les hommes réglaient leurs différents « comme des hommes » et ils étudièrent tous deux le Judo lorsque cet art était orienté vers la self-défense. A l’âge de onze ans, alors que je rentrais au collège, j’eus des problèmes avec un gang. La réponse de mon père à l’évènement fut de m’enseigner quelques coups de boxe, deux projections de judo, la manière d’échapper à la garde montée, ainsi qu’un moyen vicieux et radical pour terminer le combat si j’arrivais à me retrouver au-dessus de l’adversaire. Il termina un jour le travail plus tôt pour aller à la rencontre du bus scolaire qui me ramenait à la maison et me fit combattre le garçon qui m’avait menacé toute la journée. Après une semaine de combat sur le chemin de l’école et à l’école elle-même, l’administration s’en mêla et les agressions s’arrêtèrent. J’étais alors tout excité à l’idée d’apprendre à me battre.

Enfant, j’étudiais donc le Judo et l’Aïkido. Je dus faire une pause à un moment pour des raisons de santé et repris l’entraînement à l’âge de seize ans dans un club local de Taekwondo. Cette pratique ne correspondait pas à mon physique et je revins à l’Aïkido pour étudier le style Iwama. J’ai beaucoup apprécié ce que j’y appris, mais je me sentais attiré par une discipline plus complète qui inclurait le travail pieds/poings. Un jour, je vis un signe indiquant « Ninjutsu » au centre sportif local. J’assistais à un cours et fus tout de suite invité à essayer. J’y trouvais un art plus polyvalent qui étudiait les clés et les projections, comme je le voulais, et qui incluait également le travail sur les frappes. Je participais aux entraînements au moins cinq fois par semaine et voyageais dans les meilleurs clubs d’Angleterre. Mes voyages me menèrent également au Japon où je reçus le grade de ceinture noire cinquième dan des mains du chef de l’école Bujinkan, Soke Maasaki Hatsumi.

En 1999, alors que j’étais chez un de mes instructeurs du Bujinkan, il me montra une vidéo de Vladimir Vasiliev enseignant le Systema. Ces vidéos comportaient également beaucoup d’éléments d’autres styles russes, mais à ce stade tous étaient mélangés dans ma compréhension car c’était la manière dont Vladimir les présentaient à l’époque. Je le rencontrai pour la première fois lors de son premier stage au Royaume-Uni et je commençais dès lors à travailler sur les informations qu’il y avait présenté avec mes élèves du Bujinkan. J’étais sur le point de repartir au Japon et décidai d’utiliser les fonds pour étudier à l’école de Vladimir durant sept semaines.

Ma pratique avec l’école de Vladimir à Toronto et de Mikhail Ryabko à Moscou dura jusqu’en 2010 approximativement. A ce stade, la promesse d’une méthode d’entraînement basée sur la science n’avait pas été révélée et j’avais déjà commencer à expérimenter les principes de mécanique appliqués au contexte martial par ma recherche personnelle. Pour avoir une vision fraîche du Systema, je commençai à m’entraîner avec Alex Kostic et rencontrai finalement Aleksander Maksimtsov qui enseigne sa version du Systema Kadochnikov en Ukraine.

Depuis les trois dernières années, j’étudie le Ju-Jitsu Brésilien. Je suis ceinture bleue et m’entraîne avec l’organisation Combat Base, où j’ai rencontré des personnes d’une grande honnêteté qui dispense un enseignement d’une grande qualité. Bien que je participe de temps en temps à des compétitions, je ne me considère pas comme un compétiteur et j’apprécie simplement le fait de résoudre des problématiques de mouvement au sol.

En 2012, tu fondes le Combat Lab… Peux-tu le définir et expliquer la philosophie sur laquelle il repose?

J’ai décidé de créer Combat Lab d’abord pour que les gens réalisent que je travaille sur mes propres pistes de recherches et que les idées que je partage ne suivent pas la ligne officielle de la plupart des autres instructeurs de Systema. J’ai conscience que ma manière d’aborder les choses sur le net est parfois abrasive mais mon dernier souhait est de causer du tort aux autres écoles. Je choisis le nom de Combat Lab parce que mon intérêt premier dans les arts martiaux est celui de la self-défense. Je voulais aussi refléter le fait qu’en tant que groupe nous recherchons des informations et les expérimentons.

Et je ne suis pas seul à porter cette recherche. Mes élèves se sont entraînés auprès d’un grand nombre d’instructeurs et apportent leur bagage pour que nous puissions, ensemble, aller plus loin. La chose la plus importante pour moi est l’honnêteté. Beaucoup trop d’instructeurs ne donnent pas leur sources d’inspiration et cachent les informations en se réfugiant derrière des tours de passe-passe. Et je ne veux pas que mes élèves et moi-même agissions ainsi. C’est pour cette raison que je partage avec mes élèves ce que j’apprends et la provenance de l’information.

Qu’est-ce que le Systema? Quels sont les spécificités du style comparé aux autres arts martiaux?

Le mot « Systema » veut simplement dire « système », donc par exemple Systema Kadochnikova veut dire système Kadochnikov. Ce n’est qu’à partir de sa diffusion à l’ouest que le mot a été utilisé en faisant référence presque exclusivement au travail de Vladimir Vasiliev et Mikhail Ryabko. Pourtant quand on regarde la Russie, il y a un nombre important d’écoles qui se réclament du Systema. La plupart d’entre elles ont pour source d’inspiration commune le Systema Kadochnikov, bien que ce lien ne soit pas forcément direct. Selon les styles, les pédagogies diffèrent. Certains sont très structurés, enseignent des explications détaillées des principes et vont même jusqu’à enseigner des techniques spécifiques pour répondre à des situations particulières. Certains encore, à l’image des débuts de l’école Vasiliev, sont un mélange de différents systèmes russes.

Mais le processus n’est pas étranger non plus à l’école Kadochnikov qui s’inspira du Sambo de Spiridonov, des techniques de combat en tranchée issues de la bataille de Stalingrad ainsi que de différents styles familiaux traditionnels, de manière à les observer d’une perspective scientifique pour créer ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Systema ou Art Martial Russe. Ce que tous ces styles de Systema ont en commun est la recherche d’une méthode efficace pour survivre en situation extrême. Cette idée va plus loin que l’apprentissage du combat à mains nues et inclus également les compétences de survie au sens large, le tir, les premiers secours et les pratiques de santé.

 

Quel type de profile de combattant tentes-tu de développer à travers ton enseignement?

Je crois qu’il est nécessaire d’apprendre à se battre debout et au sol, et ce dans des situations un contre un ou contre plusieurs adversaires. Les artistes martiaux, quelque soit l’art martial qu’ils étudient, devraient avoir pour but de pouvoir agir contre des attaques réelles et cela implique d’observer les méthodes les plus communes utilisées dans les autres systèmes et de travailler à vitesse réelle. Parce que j’ai beaucoup étudié le Systema, mon orientation en a la couleur, mais je ne me priverai pas d’informations valables provenant d’autres systèmes ou de champs d’étude plus vastes comme les sciences du sport.

En tant qu’enseignant, quelle est la chose la plus importante que tu souhaites transmettre à tes élèves?

Comment apprendre et éprouver du plaisir lors de l’apprentissage. Les connaissances scientifiques concernant la biomécanique, couplées aux exercices de coordination issus de la pratique des « 8 », rendent l’enseignement bien plus rapide que tout ce que j’ai vu jusqu’à présent, et c’est sans considérer le jeu libre et le travail contre des attaques à vitesse réelle ou contre un adversaire non consentant. En combinant des informations scientifiques et des jeux libres en incrémentant progressivement la résistance de la part de l’adversaire, les élèves apprennent rapidement.

J’ai des étudiants avec six mois de pratique qui sont capables de faire davantage à bonne vitesse que lorsque ma méthode d’enseignement ne reposait que sur les informations obtenues auprès de Mikhail Ryabko et Vladimir Vasiliev. Je ne prétends pas que les exercices qu’ils utilisent sont inutiles, mais qu’ils produisent de meilleurs résultats si les étudiants ont assez d’informations pour rectifier les difficultés rencontrées à l’intérieur des exercices. Si vous luttez pour mettre une personne au sol, vous avez besoin de l’information correcte pour rectifier le problème. C’est pour cette raison que je mets l’emphase sur la biomécanique avant de diriger la personne vers le jeu libre et divers degrés de résistance de la part de l’adversaire.

Tu utilises le « test » de compétences martiales par le sparring à pleine force et à vitesse réelle… Quelle en est la raison, l’utilité et le but?

Aucune approche ou méthode d’entraînement n’a toute les solutions. Le travail lent est fantastique pour développer certaines qualités, mais son utilité s’arrête là. Travailler contre des attaques à vitesse réelle qui sont prédéterminées a aussi son utilité, mais il y manque la prise de décision nécessaire pour utiliser l’art martial dans un combat réel. Par exemple, j’ai appris avec Aleksander Maksimtsov à éviter une attaque linéaire en utilisant une forme appelée le « pas carré » et à éviter une attaque circulaire en utilisant un pas de côté circulaire. Cela fonctionne à merveille à vitesse lente et rapide, mais pour les effectuer au bon moment et déterminer dans quelle direction, dans les circonstances d’un sparring, demande de l’expérience si l’on veut les utiliser efficacement.

C’est un peu comme un joueur de tennis. Les bons joueurs sont capables de se trouver au bon endroit pour renvoyer un service qui arrive à 150 km/h. Cette décision provient du subconscient qui envoit l’ordre de bouger en fonction des expériences assez nombreuses accumulées dans la réception du service. Les boxers fonctionnent de la même manière avec les coups de poing et je ne vois aucune raison pour laquelle le Systema ferait exception. Regarde le Systema du style IZVOR et tu verras de quoi je parle. Les attaques à vitesse et force réelles ne représentent qu’une petite portion du temps que je passe à l’entraînement. La raison en est que cela réduit le risque de blessure et que ce type d’exercice te permet seulement d’atteindre ta limite. En construisant le chemin jusqu’à ce niveau d’intensité et en revenant ensuite à un rythme plus confortable, on s’améliore progressivement.

Imagines que tu conduis une voiture. A 50 km/h, c’est déjà rapide. Mais si tu es déjà allé à 130 km/h sur l’autoroute, 50 km/h paraît assez lent au final et tu as tout le temps du monde pour effectuer tes décisions. Apprendre à combattre est assez similaire. En augmentant ou diminuant l’intensité et la vitesse et en répétant cette alternance plusieurs fois, on commence à être plus confortable à des niveaux de difficulté élevés.

Selon toi, est-il possible de préparer un civil qui n’a aucune expérience préalable de la violence, à survivre aux multiples réalités qu’elle recouvre?

Bien sûr que tu peux, mais prépares-tu quelqu’un au combat ou à quelque chose de plus grand également? La plupart des artistes martiaux ne verront jamais une bagarre, et y participeront encore moins. Pour cette raison, les arts martiaux doivent donner davantage à la personne qu’apprendre à combattre. Soyons honnêtes, les méthodes les plus rapides pour préparer quelqu’un à la rigueur du combat peuvent fortement traumatiser la personne concernée. Cela peut être acceptable dans le cadre de la formation de soldats qui doivent partir à la guerre la semaine prochaine, mais pas pour des civils ou lorsqu’il y a davantage de temps disponible pour une meilleure préparation. Bien que ma recherche soit concentrée sur l’aspect martial de la pratique, je crois que les arts martiaux ont bien plus à offrir comme la santé, un mode de vie sain, l’amitié et davantage encore. J’espère que mes élèves retirent autre chose que l’apprentissage du combat des cours et stages que je dispense. J’ai tellement reçu de mon voyage dans le monde des arts martiaux que j’aimerais que la pratique leur apporte autant qu’elle m’a apporté.

Quelle est la différence entre le combat sportif et le combat de survie? Sont-ils tous les deux liés ou font-ils partis de deux sphères hermétiques?

Les deux ont beaucoup à nous apporter dans le domaine du combat. Et chacune de ces sphères ont leurs propres problèmes. Malheureusement, chaque côté du débat est persuadé de détenir la vérité et chacun pense donc que l’autre n’a pas sa place dans la self-défense. Cette idée est une folie. Un bon combattant sportif aura une expérience du contact réel et de l’application de ses techniques contre un adversaire non consentant qui sait à quoi s’attendre. Et ce n’est pas le cas de beaucoup de pratiquant d’arts martiaux non-sportifs, enseignants de Systema inclus.

C’est pour cette raison que les style de Systema comme IZVOR ou ROSS inclus à leur cursus des éléments compétitifs. Le ROSS comporte de la lutte avec veste, du combat à la bayonnette et de la boxe modifiée. Le fondateur d’IZVOR, Michael Grudev dit à ses élèves que s’ils viennent le voir pour s’entraîner à combattre dans une allée sombre contre des adversaires armés alors ils peuvent sûrement aller combattre sur un ring. Un peu de compétition n’est pas une mauvaise chose même si ce n’est que dans les cours.

Dans un exercice que j’ai emprunté à Alex Kostic, deux élèves essayent de lutter contre un troisième et de l’amener au sol. Cet exercice comporte un élément compétitif et l’élève doit essayer de rester debout le plus longtemps possible en utilisant les déplacements et la structuration pour empêcher les deux autres d’atteindre leur but. Bien que cela ne soit pas du sport, c’est compétitif. Ce que les sports ne prennent pas en compte, c’est tous les éléments externes à la compétition. Les personnes s’entraînant en Ju-Jitsu Brésilien, par exemple, se spécialisent souvent dans la technique pour amener au sol une personne debout grâce à un balayage et de travailler à partir de cette position. Cela marche très bien dans ce contexte mais dans la rue cela peut mener à des situations très difficiles dès lors qu’il y a plus qu’un attaquant ou des débris sur le sol.

Comme en tout, l’équilibre est la clé de l’entraînement. J’aime atteindre cet équilibre en combinant plusieurs approches. Cela n’implique pas nécessairement d’utiliser d’autres techniques ou principes, mais la manière dont les sportifs s’entraînent. La chose que les coachs sportifs ont prouvé, est qu’il est essentiel pour l’élève de pratiquer à vitesse réelle très tôt dans l’entraînement. C’est pour cette raison que je m’entraîne de cette manière avec mes propres étudiants.

Penses-tu que les pratiques de santé puissent être mélangées avec la pratique martiale? Quelle relation entretiens-tu avec la blessure et quelle place a-t-elle dans l’entraînement? Quels sont les pratiques de santé que tu recommandes dans ton approche?

La santé est importante pour un artiste martial. La première chose à noter est qu’être malade ou avoir une blessure provoque l’arrêt de l’entraînement. Les combattants professionnels investissent beaucoup de temps dans la prévention des blessures et nous pouvons apprendre beaucoup de cette mentalité. Ce que j’apprécie chez les compétiteurs, c’est qu’ils vont chez des professionnels en cas de problèmes. J’ai vu trop d’artistes martiaux blessés qui allaient voir leur instructeur alors que celui-ci avait peu de connaissance scientifique sur le sujet, et cela résulte souvent en une dégradation de la situation.

Rappelez-vous que la plupart des artistes martiaux n’auront jamais à se battre et qu’il est important que l’entraînement encourage un mode de vie sain. Cela devrait inclure la nutrition et l’exercice physique, ainsi que d’autres composants du Systema. Les exercices de mobilité et les déplacements au sol sont de bons moyens pour libérer le corps des tensions non nécessaires et le massage Systema peut aussi être un bon moyen pour prévenir les blessures. Je recommande également l’usage de l’eau froide (water dousing), particulièrement efficace en hiver, même si cela peut être utilisé tout au long de l’année. Le jeûne est également très utile, mais je ne fais pas de jeûne sec (sans eau) comme Vladimir le conseillait quand j’ai commencé avec lui.

Le jeûne et l’eau froide viennent de l’enseignement de Vladimir Vasiliev. Leur utilisation est issue du mystique russe Porfiry Ivanov qui, bien que mort, a toujours des dizaines de milliers de disciples partout dans le monde. Ivanov créa un ensemble de règles qui sont suivies par ses disciples. L’une d’entre elle consiste à vivre davantage dans la nature et je crois qu’elle fait particulièrement sens aujourd’hui alors que nous nous reposons de plus en plus sur la technologie. Passer du temps à la campagne est excellent pour le corps et pour l’esprit. C’est pour cette raison que j’aime particulièrement les stages en nature et mes étudiants peuvent alors expérimenter un environnement plus naturel comparé à leur conditions de vie habituelles.

Quelle importance donnes-tu à l’apprentissage de la prévention du danger et des compétences psychologiques, ainsi qu’à la connaissance théorique sur la criminalité et la violence? Utilises-tu des outils spécifiques pour t’adresser à ce versant du problème?

La première chose à apprendre est la loi de ton pays et en quoi cela affecte ta réponse dans une situation de self-défense. Au Royaume-Uni, nous sommes autorisés à nous défendre et j’enseigne à mes élèves comment marche la loi et comment prendre des décisions dans le combat, qui respectent le paramètre légal. C’est le point précis où avoir de l’expérience réelle aide vraiment. Tu peux avoir toutes les compétences du monde, mais si tu n’es pas préparé pour les utiliser, tu perdras. C’est pour cette raison que je leur enseigne à prendre des décisions.

Ensuite, les élèves ont besoin d’apprendre à parler. La plupart des agressions commencent par un dialogue et malheureusement cela provoque de la confusion s’ils ne s’y sont pas habitués. Dans certains exercices, je demande aux élèves de menacer verbalement la personne ou de lui poser des questions pour détourner son attention avant l’attaque. Cela simule les stratégies utilisées par les agresseurs et nous pouvons les utiliser également pour notre propre défense.

Utilises-tu le Systema dans ton travail en tant que policier? Quels sont les bénéfices du Systema dans ta vie professionnelle?

Je ne suis pas autorisé à partager les détails de mon travail sur le terrain. Ce que je peux en dire, c’est qu’avant de commencer le Systema, je me retrouvais souvent en train de chercher à faire correspondre de force les techniques que je connaissais à la situation. Je pense que cela était dû en grande partie aux méthodes d’entraînements utilisées dans les autres arts martiaux que j’avais pratiqué. Ils ne comportaient pas, en effet, de jeu libre à proprement parlé. La seule exception fut le Judo, et j’ai encore des réflexes issus des cours de Judo que je prenais enfant qui ressortent en situation réelle aujourd’hui. Cela démontre en soi l’importance du sparring. Depuis que j’étudie le Systema avec différents enseignants, j’ai remarqué que la manière dont j’envisage la confrontation a changé et que ces changements ont eu lieu à un niveau subconscient.

Je ne me retrouve certainement pas en train de rationnaliser où se trouve le point du triangle (principe utilisé pour déséquilibrer l’adversaire) lors d’un combat, parce qu’il n’y a pas le temps pour le faire. Aleksander Maksimtsov dit à ce propos que pratiquer le Systema devrait être comme faire du vélo. Tu as la sensation imprimée en toi et cela te permet de l’appliquer malgré le fait que tu ne te soies pas entraîné depuis longtemps ou lors d’un combat où les choses arrivent avant que tu puisses les anticiper consciemment. L’usage des explications scientifiques est utile pour apprendre et aide l’étudiant à faire des corrections alors qu’il s’habitue à la sensation. Au final, tous les arts martiaux visent à arriver au point où il est possible d’agir sans y penser consciemment. C’est seulement le moyen pour arriver à cet objectif qui change selon les écoles.

Tu donnes une grande importance aux explications biomécaniques et à la construction progressive du jeu libre… Quelle place accordes-tu aux formes et aux techniques spécifiques dans l’apprentissage? Pour quels utilisation et but?

Les techniques spécifiques existent dans tous les styles de Systema. Si tu prends Vladimir Vasiliev comme exemple de quelqu’un qui n’enseigne pas de techniques, tu te rendras compte que son travail comporte en fait des solutions précises qu’il utilise de manière répétée face à des problèmes particuliers et que beaucoup de ses élèves répètent ces mêmes solutions avec différents niveaux de succès. Alors pourquoi ne pas prendre un moment pour expliquer ce qui se passe et comment améliorer l’utilisation de ses solutions? Personnellement, j’aime enseigner certains exemples de techniques pour illustrer différents principes, parce que cela donne à mes élèves une expérience directe de la sensation qu’il faut rechercher dans l’application du principe. Il y a aussi des « trucs » qui sont tellement efficaces dans certaines situations, qu’il serait abherrant de ne pas les transmettre. Un exemple serait une manière particulière de se dégager d’un étranglement arrière qui permettra de projeter l’adversaire même s’il essaye de vous tirer en arrière en vous soulevant du sol.

Une chose que je répète souvent à mes élèves est que  certains mouvements sont pratiqués pour éprouver la sensation et non comme des techniques de self-défense. La plupart sont pratiqués sur un partenaire consentant car rajouter de la résistance compliquerait le processus. Souviens-toi que mon but est simplement d’identifier la sensation puis de donner quelques éléments techniques pour maximiser les chances de réussite, comme où placer la main ou déterminer le meilleur angle pour pousser. Une fois ces informations comprises, c’est mieux de se concentrer sur des exercices de mouvement. Les « 8 » et les exercices de jeu de jambe font également partie intégrante de l’entraînement dès le premier jour, mais à partir de là l’emphase est mise sur leurs applications dans différentes situations. Ensuite, j’introduis le jeu libre avec différents niveaux de difficulté et en augmentant l’intensité en fonction de chaque étudiant.